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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

roie autour de ma taille ; on me donne trois chiens en laisse.

La gelée, la neige, les chevaux et les têtes fines de lévriers me remplissaient de joie, je triomphais.

Pacha, à cheval comme moi, était très aimable, ce qui lui va très mal et me déconcerte… Pourtant non, ses changements d’humeur ne sont pas à dédaigner.

— Pacha, il y a une personne qui me gêne horriblement (rassurez-vous, ce n’est pas ma tante T…) et cette personne je voudrais d’une manière polie l’exterminer.

— Bien ; disposez de moi.

— Vraiment ?

— Essayez.

— Parole d’honneur ? Et vous ne direz rien ?

— Parole d’honneur, rien à personne…

À cause de ces quelques mots, il existe à présent entre moi et l’homme vert une sorte de lien.

Nous avons à nous parler bas, en anglais, quand sa mère n’est pas là.

Pacha voulut continuer à faire l’aimable, je lui ai donné mes deux mains à baiser, une poésie de Victor Hugo à lire, je le traite en frère, comme il est.


Lundi 23 octobre. — Hier, nous nous fourrâmes dans un coupé à six chevaux et nous partîmes pour Poltava.

Le voyage fut gai. Les pleurs à l’heure de quitter le toit paternel provoquèrent un épanchement général, et Pacha s’écria qu’il était amoureux fou.

— Je jure que c’est vrai, s’écria-t-il ; mais je ne dirai pas de qui.

— Si vous n’êtes pas amoureux de moi, m’écriai-je, je vous maudis !