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JOURNAL

J’étais adorablement jolie (toujours parlant relativement autant que je puis être jolie), mais c’était inutile, aucun de ces monstres ne ressemble à un homme.

Avec les paysans, je suis expansive et familière ; avec mes égaux d’éducation, je suis assez agréable, je crois, mais avec ces rustres ! Pour éviter de leur parler, j’ai joué et j’ai perdu une centaine de francs avec le géant.

On joua de nouveau, et j’ai été dans la bibliothèque écrire une lettre à un marchand de chevaux à Pétersbourg. Comme de raison, le prince me suivit, et, après m’avoir suppliée de lui donner ma main à baiser, ce que je fis, et même sans trop de répugnance, le petit m’ayant regardée, ayant soupiré, me demanda quel âge j’ai.

— Seize ans.

— Eh bien, quand vous aurez vingt-cinq ans, je vous ferai la cour.

— Ah ! fort bien.

— Et alors vous me repousserez comme aujourd’hui.

Cette brillante journée a été terminée par un concert sur l’escalier. Ma voix, c’est-à-dire la moitié de ma voix, les a fait pâmer, mais je crois qu’ils n’y entendent rien et admirent au hasard.


Lundi 23 septembre. — Mon père m’a conduite sur la galerie voir une noce de paysans qui était venue nous saluer. Ils se sont mariés hier. L’homme porte le costume habituel : des bottes noires jusqu’aux genoux, un pantalon foncé et assez large et une swita, espèce de paletot froncé à partir de la ceinture, en drap marron naturel, tissé par les femmes de la cam-