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JOURNAL

cathédrales riches, mais biscornues et mal comprises. »

Et ajoutez à cela le climat, vous aurez le charme complet.

J’ai essayé de me monter la tête en regardant le portrait de Pietro A…, mais il ne me semble pas assez beau pour que j’oublie qu’il est un vilain homme, une créature qu’on ne peut que mépriser.

Je ne suis plus en colère contre lui, car je le méprise complètement, non pour une insulte personnelle, mais pour sa manière de vivre, pour sa faiblesse… Attendez, je vais vous définir le sentiment que je viens de nommer. La faiblesse qui nous pousse au bien, aux sentiments tendres, au pardon des injures, peut s’appeler de ce nom. Mais la faiblesse qui pousse au mal et à la vilenie se nomme lâcheté.

J’ai cru que je sentirais davantage l’absence des miens ; je suis pourtant pas contente, mais cela tient plutôt à la présence de gens désagréables et communs (mon pauvre oncle, malgré sa beauté) qu’à l’absence de ceux que j’aime,


Lundi 7 août 1876 (26 juillet). — « Nous n’avons d’original que le moyen âge, » ai-je dit dans le dernier livre de mon Journal.

Nous, qui ? Les chrétiens. Est-ce qu’en réalité je monde a été régénéré, ou bien, sous d’autres couleurs, les mêmes mœurs ont-elles coulé comme elles coulent depuis le commencement du monde, tendant toujours à l’amélioration ?

Les vies des nations semblent des fleuves qui coulent lentement tantôt sur des rochers, tantôt sur le