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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

chers en bois nu et aux meubles de bois également clairs et simplement faits.

Grâce à mon nécessaire, je me suis improvisé de suite un bain et une toilette, et, après avoir mangé des œufs et bu du lait, servis par une Allemande grasse et fraîche, me voilà à écrire.

Je ne me trouve pas sans charme, dans cette pauvre petite chambre, en peignoir blanc, avec mes beaux bras nus et mes cheveux d’or.

Je viens de regarder par la fenêtre. L’infini fatigue la vue. Cette complète absence de collines, ce plat, si plat, me fait l’effet du sommet d’une montagne qui domine le monde entier.

Chocolat est un vaniteux.

— Tu es mon courrier, lui dis-je, tu dois parler plusieurs langues ?

Le petit me répondit qu’il parlait le français, l’italien, le niçois et un peu le russe, et qu’il parlerait allemand, si je voulais bien le lui apprendre.

Il vint tout en larmes, escorté des éclats de rire d’Amalia, se plaindre parce que l’hôtelier lui avait indiqué un lit dans une chambre déjà occupée par un juif. Je fis une mine sérieuse, faisant semblant de trouver tout naturel qu’il couchât avec un juif ; mais le pauvre Chocolat pleura tant, que je me mis à rire et, pour le consoler, lui fis lire quelques pages d’une histoire universelle achetée à son intention.

Ce négrillon m’amuse, c’est un joujou vivant ; je lui donne des leçons, je le dresse au service, je lui fais dire ses boutades, en un mot c’est mon chien et ma poupée.