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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

distingué, riche, magnifique ; vraiment on la prendrait pour une grande dame. Il est naturel que tout cela contribue à sa beauté : — sa maison avec des salons, des petits coins avec une lumière douce venant à travers des draperies ou des feuillages verts ; elle-même coiffée, habillée, soignée comme on ne peut mieux, assise dans un salon magnifique, comme une reine, où tout est accommodé et arrangé pour la rendre le mieux possible. Il est tout naturel qu’elle plaise et qu’il l’aime. Si j’avais tout son entourage, je serais encore mieux. Je serais heureuse avec mon mari, car je ne me négligerais point, je me soignerais pour lui plaire comme je me soignais quand je voulais lui plaire pour la première fois. D’ailleurs, je ne comprends pas comment un homme et une femme, tant qu’ils ne sont pas mariés, peuvent s’aimer toujours et tâchent de se plaire sans cesse, puis se négligent après le mariage…

Pourquoi se faire une idée qu’avec le mot mariage, tout passe et qu’il ne reste que la froide et réservée amitié ? Pourquoi profaner le mariage, en se représentant la femme en papillotes, en peignoir, avec du cold-cream sur le nez et cherchant à obtenir de son mari de l’argent pour ses toilettes ?…

Pourquoi la femme se négligerait-elle devant l’homme pour lequel elle doit se soigner le plus ?

Je ne vois pas pourquoi on traiterait son mari en animal domestique, et pourquoi, tant qu’on n’est pas mariée, on veut plaire à cet homme ? Pourquoi ne resterait-on pas toujours coquette avec son mari et ne le traiterait-on pas comme un étranger qui vous plaît ? Avec la différence qu’à un étranger on ne doit rien permettre de trop. Est-ce que c’est parce qu’on peut s’aimer ouvertement, et parce que ce n’est pas un crime, et parce que le mariage est béni par Dieu ? Est--