Wartel est très vieux, mais l’accompagnateur est assez jeune.
— Vous lisez la musique ?
— Oui, monsieur.
— Que savez-vous chanter ?
— Rien, mais je chanterai une gamme ou une vocalise.
— Prenez donc une vocalise, monsieur Chose ! Quelle voix avez-vous ? soprano ?
— Non, monsieur ; contralto.
— Nous verrons.
Wartel, qui ne se lève pas de son fauteuil, fait signe de commencer. Et j’attaquai une vocalise, tremblante d’abord, enragée ensuite et contente à la fin. Car je ne quittais pas des yeux la figure longue, longue, longue, du maître. C’est surprenant.
— Eh bien, dit-il, c’est plutôt un mezzo-soprano que vous avez. C’est une voix qui monterait.
— Et qu’en dites-vous, monsieur ? demandèrent ces dames en entrant.
— Je dis qu’il y a de la voix, mais, vous savez, il faut beaucoup travailler. Cette voix est toute jeune, elle ne fera que croître, enfin elle suivra le développement de mademoiselle. Il y a de l’étoffe, il y a de l’organe, il faut travailler.
— Alors vous croyez, monsieur, que cela vaut la peine ?
— Oui, oui, il faut travailler.
— Mais la voix est belle ? demanda Mme de M…
— Ce sera une belle voix, répondit l’homme de sa voix tranquille et avec son air indolent et réservé ; mais il faut la développer, la poser, la travailler, et c’est toute une affaire.
Oh ! oui, il faut travailler !