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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

dont les lignes droites, coupant l’horizon, produisent l’effet le plus saisissant, on voit les plus beaux monuments de la barbarie et de la civilisation universelles. Pourquoi dire barbarie ? C’est que nous autres, pygmées modernes, dans notre petit orgueil, nous nous croyons plus civilisés, parce que nous sommes nés les derniers.

Aucune description ne peut donner une idée exacte de ces pays gracieux et superbes, de ces pays du soleil, de la beauté, de l’esprit, du génie, des arts ; de ces pays tombés si bas et restés si longtemps par terre, qu’il est impossible qu’ils soient déjà en train de se relever.

On a beau parler de gloire, d’esprit, de beauté, on n’en parle que pour parler d’amour ; pour faire un magnifique cadre à ce tableau toujours le même et toujours nouveau.

Laisser mon journal ici, voilà une vraie peine.

Ce pauvre journal qui contient toutes ces aspirations vers la lumière, tous ces élans qui seraient estimés comme des élans d’un génie emprisonné, si la fin était couronnée par le succès, et qui seront regardés comme le délire vaniteux d’une créature banale, si je moisis éternellement !

Me marier et avoir des enfants ! Mais chaque blanchisseuse peut en faire autant.

À moins de trouver un homme civilisé et éclairé ou faible et très amoureux.

Mais qu’est-ce que je veux ? Oh ! vous le savez bien. Je veux la gloire !