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JOURNAL

je brûle de me venger. Je prendrai mon temps, soyez tranquille, et je me vengerai.

Chi lungo a tempo aspetta
Vede al fin la sua vendetta.

Je rentrai chez moi, écrivis quelques lignes, et puis, tout à coup, perdant courage, je me suis mise à pleurer. Oh ! après tout, je ne suis qu’une enfant ! toutes ces peines sont trop lourdes pour moi toute seule, et j’ai voulu aller réveiller ma tante. Mais elle penserait que je pleure mon amour, et je ne pourrais souffrir cela.

Dire que l’amour n’a aucune place ici serait justice, j’en ai honte à présent.

Un petit garçon, un souffre-douleur doublé d’un mauvais sujet et recouvert d’un jésuite, un enfant, un Paul ! Et j’ai aimé cela ! Bah ! pourquoi pas ? Un homme aime bien une cocotte, une grisette, une canaille quelconque, une paysanne. De grands hommes et de grands rois ont aimé des nullités et ne sont pas détrônés pour cela.

J’allais devenir folle de rage et d’impuissance, tous mes nerfs étaient montés, et je me mis à chanter ; cela calme :


Quanti ce n’è che s’entendomi cantare,
Diran : Viva colei che a il cor contento.
S’io canto, canto per non dir del male !
Faccio per revelar quel c’ho qui dentro,
Faccio per revelar un’afflitta doglia,
Sebbene io canto, di piangere ho voglia,
Faccio per revelar l’afflitta pena,
Sebbene io canto, di dolor son piena.


Combien il y en a qui m’écoutant chanter
Diront : Vive celle qui a le cœur content !
Si je chante, je chante pour ne pas dire du mal,
Je le fais pour révéler ce que je renferme dans mon cœur ;