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JOURNAL

— Je ne peux pas.

— Tant pis ! m’écriai-je fâchée.

— Ça surpasse mon esprit, dit-il.

— C’est que vous êtes bien dépravé.

— Peut-être.

— Vous ne croyez pas que jamais je n’ai permis qu’on me baisât la main ?

— Pardon, mais je ne crois pas.

— Asseyez-vous à côté de moi, dis-je, causons et dites-moi tout.

Il me raconte tout ce qu’on lui a dit et ce qu’il a dit.

— Vous ne vous fâcherez pas ? dit-il.

— Je ne me fâcherai que si vous me cachez quelque chose.

— Eh bien ! vous comprenez, notre famille est très connue ici.

— Oui.

— Et vous êtes des étrangers à Rome.

— Alors ?

— Alors, ma mère a écrit à Paris à plusieurs personnes.

— C’est très-naturel ; et que dit-on de moi ?

— Encore rien. Mais, on peut dire ce qu’on veut, je vous aimerai toujours.

— Je n’ai pas besoin d’indulgence…

— Maintenant, dit-il, il y a la religion.

— Oui, la religion.

— Oh ! fit-il de l’air le plus calme. Faites vous catholique.

Je l’ai arrêté court par un mot très sévère.

— Voulez-vous donc que je change de religion ? s’écria A…

— Non, car, si vous faisiez cela, je vous mépriserais.