— Vous voulez rire ? demandai-je, comme si c’était la chose la plus impossible.
— Dans six.
— Non.
— Dans un an ?
— Oui, dans un an ; vous attendrez ?
— S’il le faut, pourvu que je puisse vous voir tous les jours.
— Venez à Nice, car, dans un mois, je vais en Russie.
— Je vous suivrai.
— Ça ne se peut.
— Et pourquoi ?
— Ma mère ne voudra pas.
— Personne ne peut m’empêcher de voyager.
— Ne dites pas de bêtises.
— Mais comme je vous aime !
Je me penchai vers lui pour ne pas perdre une seule de ses paroles.
— Je vous aimerai toujours, dit-il. Soyez ma femme.
Nous entrons dans les banalités amoureuses, banalités qui deviennent divines, si réellement on aime toujours.
— Oui, vraiment, disait-il, ce serait beau de passer la vie ensemble… oui, passer la vie avec vous, toujours ensemble, à vos pieds… vous adorant… Nous serons vieux tous les deux, vieux à priser du tabac, et nous nous aimerons toujours. Oui, oui… oui… chère !…
Il ne trouvait pas d’autres mots, et ces mots, si communs, dans sa bouche devenaient une caresse extrême.
Il me regardait les mains jointes.
Puis on parlait raison ; puis il se traînait à mes pieds, en criant d’une voix étouffée que je ne pouvais pas l’aimer comme il m’aimait, et que c’était impossible…