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JOURNAL

briser sur les cailloux, Divin silence et divine harmonie !

On dit des merveilles de Naples ; quant à moi, j’en suis désolée, mais je lui préfère Nice. Ici la mer baigne librement le rivage, tandis que là-bas elle est arrêtée par un mur à balustrade stupide, et même ce misérable bord est obstrué par des boutiques, des baraques, des saletés.

« Pensez quelquefois à moi. Quant à moi, je ne ferai que penser à vous ! »

Pardonnez-lui, mon Dieu, il ne savait pas ce qu’il disait. Je lui permets de m’écrire et il n’use pas seulement de cette permission ! Enverra-t-il seulement la dépêche promise à maman ?


Vendredi 5 mai. — Je disais donc, quoi ? ah ! oui, que Pietro était inexcusable vis-à-vis de moi.

Je ne peux pas comprendre les hésitations, moi qui n’aime pas !

J’ai lu dans des romans que souvent un homme semble oublieux et indifférent à cause de son amour même.

Je voudrais bien croire aux romans.

Je suis endormie et ennuyée et, dans cet état-là, je désire voir Pietro et l’entendre parler d’amour. Je voudrais rêver qu’il est là, je voudrais faire un joli rêve. La réalité est dangereuse.

Je m’ennuie, et quand je m’ennuie je deviens très tendre.

Quand donc finira cette vie d’ennui, de déceptions d’envie et de chagrin !

Quand donc vivrai-je enfin comme j’aime ! Mariée à une grande fortune, à un grand nom et à un homme sympathique, car je ne suis pas si mercenaire que