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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

— Ah ! voilà votre manière, vous vous moquez toujours de moi !

— Et si je vous disais que oui !…

Il est tout changé, on dirait qu’en vingt jours il est devenu un homme de trente ans. Il parle tout autrement, il est devenu si raisonnable que c’est merveille. Il semble doublé d’un jésuite.

— Vous savez, maintenant je fais de l’hypocrisie, je m’incline devant mon père, je lui dis toujours oui, je suis sage et je songe à mon avenir.

Demain, peut-être, je saurai raconter quelque chose, mais ce soir, je suis si bête que c’est stupide !


Mardi 25 avril. — Je viendrai demain, dit-il comme pour me calmer, et nous parlerons de tout cela sérieusement.

— C’est inutile, monsieur. Je vois bien à quoi m’en tenir sur votre bel amour. Vous pouvez ne plus revenir, ajoutai-je plus faiblement. Vous m’avez chagrinée, je vous dis adieu en colère et je ne dormirai pas de la nuit. Et vous pouvez vous vanter de m’avoir mise en rage ; allez !…

Mais, mademoiselle, comme vous êtes étrange ? Demain je vous parlerai quand vous serez plus calme.

C’est lui qui se plaint, c’est lui qui dit que je l’ai toujours refusé, que j’ai toujours ri, que je ne l’aimais pas. Je n’aurais pas parlé autrement à sa place, mais néanmoins, je le trouve bien hautain et bien réfléchi pour un homme qui aime vraiment.

À présent j’en ai pour mon argent, aussi ne vais-je plus toucher un seul mot de cela.

S’il veut, qu’il commence le premier !

Il me semble qu’il ne m’aime plus. À la bonne heure, voilà quelque chose qui me dégourdit, qui me fait