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JOURNAL

tout orné de papier d’or, un immense bouquet porté par un faquin qui ne savait à qui il fallait l’offrir, lorsqu’une canne, en s’appuyant sur le balcon, le fit pencher de mon côté.

C’était A… qui me rendait mon camellia. D’abord je n’ai pas compris, je n’ai pas vu A… ; mais au bout d’une seconde d’hésitation je soulevai avec peine le magnifique bouquet et le pris dans mes bras en souriant à l’affreux fils de prêtre.

— Oh ! mais c’est splendide ! criait la dame anglaise.

E bello veramente, disait B… un peu vexé.

— C’est charmant, disais-je moi-même, enchantée jusqu’au fond du cœur.

Et portant mon trophée, je me mis en voiture et regardai encore une fois l’affreux fils de prêtre.

Après m’avoir vue prendre son bouquet, il me salua de sa façon calme et disparut, on ne sait pas où.

Toute la soirée, je ne parle que de cela, j’interromps toutes les conversations pour en parler encore. — N’est-ce pas qu’A… est adorable ? Je le dis comme pour rire, mais j’ai peur de le penser vraiment. À présent je tâche de persuader aux miens que je m’occupe d’A… et on ne me croit pas ; mais dès que je dirai le contraire de ce que je dis en ce moment, on croira et on aura raison.

Je suis de nouveau impatiente, je voudrais dormir pour abréger le temps, pour aller au balcon.


Lundi 28 février. — En sortant sur le balcon au Corso, je trouve tous nos voisins à leur poste et le carnaval très animé. Je regarde en bas, en face, et je vois le Cardinalino avec un autre. L’ayant aperçu, je me suis troublée, j’ai rougi et je me remis debout ; mais le Méchant fils de prêtre n’était plus là et je me retour-