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mort aux étrangers, et protester qu’il défendra éternellement, contre eux, le culte de ses pères, les lois de son pays et son indépendance. De la sorte, naît en son cœur, comme un doux fruit sur une tige amère, cet amour du sol natal et de la liberté, cet esprit de résistance opiniâtre , ce dévouement aux chefs nationaux, et cet instinct de conservation qu’il ne perdra jamais.

La suite des siècles nous l’a fait voir mettant en pratique les divers enseignements du maître.

Un prince, ennemi et chrétien, le prend, l’enchaîne, lui crève les yeux, et il chante ; « Je n’ai pas peur d’être tué ; j’ai assez vécu ; peu importe ce qui arrivera , ce qui doit être sera : il faut que tous meurent trois fois avant de se reposer pour jamais[1]. » Puis il poursuit d’effroyables imprécations religieuses et nationales contre l’étranger, ennemi de son culte et oppresseur de son pays. C’est le barbare aux passions effrénées, inspiré par une haine aveugle que la raison ne peut ni blâmer ni absoudre. Ses vices ont le même caractère d’énergie sauvage que ses vertus. Chose étrange ! ils ont un mobile semblable, ils sont sacrés comme elles. Les sens grossiers qu’il a reçus de la nature, le ciel froid et pluvieux sons lequel il couche, la vie guerrière et rude qu’il mène, le dénûment presque complet où il se trouve des choses les plus nécessaires au bien-être, la rareté des occasions qu’il a de se distraire des soucis de sa misérable existence, tout le pousse à chercher les moyens les plus violents pour assouvir ses penchants brutaux : le pillage, l’ivresse et la danse les lui fournissent. Il pille donc, il danse et il boit[2] ; et, en satisfaisant ainsi d’un même coup ses trois vices, l’amour du gain, l’amour des liqueurs fermentées et l’amour du bal , il croit sérieusement s’acquitter d’un double devoir envers ses dieux et son pays ; car, d’une part, c’est le territoire ennemi qu’il ravage ; c’est le vin de l’étranger qu’il boit, et il le boit (c’est horrible

  1. T. I, p. 30 et suiv.
  2. Ibid., p. 77 et suiv.