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entonnoir, des cliquettes, une ceinture de cuir et une baguette de bouleau.

Arrivé au seuil de la porte, le prêtre, en présence du peuple, l’exhortait encore à la patience, le consolait de nouveau, l’engageait à ne jamais sortir sans avoir son capuchon noir sur la tête et sa croix rouge sur l’épaule ; à n’entrer ni dans les églises, ni dans les maisons particulières, ni dans les tavernes pour acheter du vin ; à n’aller ni au moulin ni au four, à ne laver ni ses mains ni ses vêtements dans les fontaines ou dans le courant des ruisseaux, à ne paraître ni aux fêtes, ni aux pardons, ni aux autres assemblées publiques ; a ne toucher aux denrées dans les marchés qu’avec le bout de sa baguette et sans parler, à ne répondre que sous le veut, a ne point errer le soir dans les chemins creux, à ne point caresser les enfants, ... à ne leur rien offrir ... ; puis il lui jetait sur les pieds une pelletée de terre, le bénissait au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, et revenait avec la foule.

Si le malade se mariait et avait des enfants, ils n’étaient point baptisés sur les fonts sacrés, et l’eau qui avait coulé sur leur tête était jetée comme impure ; s’il mourait, on l’enterrait dans sa demeure[1].

En Bretagne, on donnait à ces malheureux le nom de kakous, qu’y portent encore aujourd’hui les cordiers et les tonneliers, gens pour lesquels le peuple a conservé une sorte d’aversion et de mépris héréditaires.

Les kakous sont le sujet de plusieurs chansons populaires, toutes antérieures au quinzième siècle, époque où le fléau cessa de régner en Bretagne. M. Prosper Proux m’en a procuré une assez curieuse que je regrette de ne pouvoir publier ici, n’ayant pu en contrôler le texte par aucune version différente de la sienne.

Le sujet de cette pièce est un jeune paysan, si beau, que lorsqu’il passe le dimanche pour aller a la messe, ses cheveux blonds flottants sur ses épaules, on entend plus d’une jolie fille soupirer doucement. Le cœur de l’une d’elles, appelée Marie, est pris ; celui du jeune paysan ne tarde pas à répondre a l’amour de Marie ; mais,

  1. V. Sauvageau, Coutumes de Bretagne, t. II, I. III, c. 98, et Ogée, Dict. géograph. de Bretagne, t. I, introduction.