Page:Barzaz Breiz 4e edition 1846 vol 2.djvu/32

Cette page a été validée par deux contributeurs.

va lire de la bouche d’un mendiant nommé Iouenn Vraz, la cause de l’insurrection fut la détermination prise par la noblesse française des villes de Cornouaille de substituer, à l’égard des colons de ses domaines, la loi féodale de France au régime véritablement libéral de la coutume du pays. En basse Bretagne, où il n’y eut jamais de serfs, comme M. A. de Courson l’a victorieusement démontré, le contrat qui liait le propriétaire au colon était tout à l’avantage de celui-ci : c’était le bail à domaine congéable, que l’assemblée constituante maintint comme non entaché de féodalité. Le propriétaire, en retenant la propriété du fonds, transportait les édifices et superfices, moyennant une certaine redevance, avec la faculté perpétuelle de congédier le preneur, en lui remboursant les améliorations. La redevance était généralement minime, et le fond baillé très-considérable, en Cornouaille ; le colon n’était inféodé à personne, et ne devait de services qu’en raison des liens qui l’attachaient à la propriété. Quant au droit de congément, que les seigneurs bretons, fidèles a l’esprit de clan, n’exerçaient jamais, dans le cas où il aurait eu lieu, non pour convertir les domaines en fermes, comme faisaient les Français établis en Bretagne, mais pour donner les terres à d’autres tenanciers, la coutume voulait que le prisage des édifices, superfices, et droits convenanciers fût aux frais du seigneur. Or, les étrangers ne se contentaient pas d’user brutalement d’un droit dont la jouissance répugnait aux mœurs des propriétaires indigènes, ils violaient la loi du pays. Ces actes d’arbitraire pesèrent particulièrement sur les montagnards de l’Arez : on ne tint aucun compte à leur égard de l’article cité plus haut ; on oublia trop facilement qu’ils descendaient des hardis paysans, dont les fourches de fer et les bâtons noueux repoussèrent au onzième siècle la tyrannie normande, sous les ordres de Kado le Batailleur et de ses trente fils, « enfantés par leur mère pour tuer les oppresseurs. » On oublia qu’ils chantaient encore le souvenir de la vengeance terrible de leurs aïeux ; on ne prit pas garde que de pareils souvenirs, selon la remarque d’un ancien auteur, donnent une incroyable audace[1], et que, sans remonter aussi haut, les montagnards avaient prouvé naguère, avec tous les Bretons, leur horreur pour la servitude

  1. Magnam audaciam imprimere potest pristinaæ nobilitatis memoria. (Johannes Fordun.)