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NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.


Nous avons visité les châteaux de Kermorvan et de Kergroadez ; ce dernier a été rebâti au dix-septième siècle. Nous avons vu la fontaine au bord de laquelle Azenor était assise, et cueillait des fleurs de genêts pour en faire un bouquet à « son doux clerc de Mezléan, » quand le seigneur de Kermorvan passa et flétrit d’un regard son bonheur et ses fleurs d’amour. Mezléan est en ruines ; il n’en reste plus qu’un portail, défendu par une galerie à créneaux et à mâchicoulis, et des pans de murs croulants, tapissés de violiers sauvages.

Le barde termine sa ballade en nous apprenant qu’il l’a composée au château du Hénan, à quelques lieues de Quimperlé, en Cornouaille, et qu’une demoiselle (peut-être une des filles du sire de Guer, à qui devait appartenir alors ce château) l’a écrite sous sa dictée. Quand on descend le cours de la jolie rivière d’Aven pour gagner la pleine mer, on voit la tour féodale qui s’élève sur la rive droite. Elle est légère, élégante, festonnée de dentelles de granit, et du plus délicat travail qu’ait produit l’art du quatorzième siècle. Peut-être quelque matelot léonnais, débarqué sur ces côtes, raconta l’histoire d’Azénor au seigneur du Hénan, dont le barde la mit en vers. Peut-être le barde voyageait-il dans le pays de Léon lorsque l’événement eut lieu. On s’épuiserait en conjectures ; mais l’auteur lui-même offrirait matière à bien des suppositions. Son existence est un problème. Comment se trouve-t-il encore en Bretagne, à la fin du quatorzième siècle, un seigneur qui a son barde domestique ? Le poëte venait-il de la Cambrie, et fuyait-il les persécutions auxquelles les gens de son état se trouvaient en butte à cette époque désastreuse de l’histoire de son pays ? Edouard en avait fait, dit-on, massacrer un grand nombre. Ses successeurs renouvelaient ses ordonnances atroces. « Que ménestrels, bardes, rimeurs, et autres vagabonds gallois, disaient-ils, ne soient désormais soufferts de surcharger le païs, comme a été devant ; mais soient-ils outrément défendus, sous peine d’emprisonnement d’un an[1]. » Et les prisons ne désemplissaient pas, et les exécuteurs des lois outre-passaient encore, par leurs rigueurs, les volontés du législateur.

  1. -Les Ordinances de Galles, no VI et Record. Carnarron, no V. f. 81. (s. XIV).