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NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.


Après avoir étudié dans cette ballade la manière dont composent les poètes populaires bretons, il sera curieux de voir, dans quelques années, quelles altérations aura subies et quels développements aura éprouvés l’œuvre du chanteur en passant de bouche en bouche. Déjà l’histoire de Iann Marek est enveloppée de merveilleux nuages. Sa femme l’a entendu gémir, au milieu d’une nuit d’orage, à la porte de sa chaumière. Une jeune fille en revenant le soir, avec sa vache, l’a vu, à travers le feuillage, assis sur l’herbe, le dos tourné ; de temps en temps, il joignait ses deux mains sur sa tête, comme un homme au désespoir, et s’écriait d’une voix déchirante : « Mon Dieu ! mon Dieu ! ayez pitié de moi ! » Enfin on voit trembler, la nuit, une petite lumière au lieu où il est mort. Mais sans doute le génie poétique du peuple ne se contentera pas de cela : il ajoutera à la ballade des strophes de sa façon ; il dira comment le bâton et les sabots du mort sont restés au bord du champ où il travaillait, et comment les voleurs redoutaient d’y toucher ; comment tout le monde craignait de passer près du bois lorsque le soleil était couché, et comment les propriétaires de ce bois n’osaient plus en ratisser les feuilles, de peur de ratisser les os du malheureux paysan : traits plus ou moins poétiques que le chanteur primitif a négligés, n’ayant d’autre but que de donner au peuple des campagnes une leçon de morale.