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NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.


Autant était simple, précise et claire la première partie de l’histoire de Iannik Skolan, autant cette seconde partie est fantastique, vague et obscure. Nous n’osons même nous flatter d’en avoir saisi tous les traits. Nous ne devinons pas à quoi peuvent faire allusion, et ce petit livre qui a été jeté dans la mer, et cette buée du vendredi, et ce coq enlevé à la poule, et ce rouge-gorge. Nous savons seulement qu’un livre, surtout certain livre, est, pour une famille de paysans bretons, un objet du plus grand prix ; qu’ils se garderaient bien de se souiller le vendredi, qui est un jour saint, par aucune action impure, soit physique, soit morale ; enfin que le coq a toujours été pour eux le symbole de la vigilance. Il était l’oiseau du Mercure gaulois ; il est maintenant l’oiseau de saint Pierre, comme Jean le Rouge-gorge est l’oiseau de saint Jean. Celui-ci est l’objet d’un respect tout particulier ; il passe pour avoir calmé les douleurs du Christ, à la couronne duquel il arracha, dit-on, une épine ; une goutte du sang divin tombée sur sa gorge l’a rougie.

Quant aux derniers vers qui contiennent la moralité, ils sont faciles à comprendre.

Je ne doute pas que la seconde partie de la ballade de Iannik Skolan ne soit infiniment plus ancienne que la première : l’identité du nom du meurtrier de la jeune paysanne de Melrand avec celui d’un autre héros romanesque d’une époque très-reculée, aura produit la confusion, sans doute lors du passage de la simple ballade vannetaise dans le pays de Tréguier. Le héros primitif a été chanté par le barde, Merlin, qui l’appelle Y-Skolan. Voici quelques vers de sa pièce en rapport avec ceux de la nôtre :

« Noir (est) ton cheval, noir (est) ton habit ; noire (est) ta tête, tu es tout noir, tu as les joues noires, Y-Skolan[1]. »

Y-Skolan suppliant répond « Par le créateur des créatures ! pardonne-moi mon crime[2]. »


  1. Du dé (da) varc’h, du dé japan, (jupen)
    Du dé benn, du dé unan ;
    Jad jod du a i-ti (d’id de) Y-Skolan.

  2. Kreader e kreaduren !
    Keura (cura) da i-mi (d’i-me) ve (va) gen (gaou).

    (Myvyrian, t. I, p. 131.)