Page:Barzaz Breiz 4e edition 1846 vol 2.djvu/101

Cette page a été validée par deux contributeurs.

En quittant le cimetière, ils demandaient en foule : — Où trouverons-nous du drap rouge pour nous croiser présentement ? —

Le fils du manoir de Kercourtois repartit en brave : — Prenez exemple sur moi, et vous serez croisés ! —

A peine il achevait ces mots, qu’il s’était ouvert une veine du bras, et que son sang jaillissait, et qu’il avait peint une croix rouge sur le devant de son pourpoint blanc ; et que tous ils étaient croisés dans un instant.

Comme ils étaient en route et approchaient de Callac, ils entendirent les cloches de Duhot, qui sonnaient la messe, et eux de détourner la tête, et de dire tout d’une voix :

— Adieu, ô cloches de Marie ! adieu, ô cloches bien-aimées !

Adieu donc, adieu donc, ô cloches baptisées, que nous avons tant de fois mises en branle aux jours de fête ! Plaise au Seigneur et à la Vierge sainte que nous vous sonnions encore quand la guerre sera finie !

Adieu, sacrées bannières que nous avons portées processionnellement autour de l’église, au pardon de Saint-Servet. Ah ! puissions-nous être aussi forts pour défendre notre pays et la vraie foi que nous l’avons été pour vous défendre sur le tertre, au grand jour !

Que Dieu secoue la gelée ! que le blé soit flétri, flétri dans le champ du Français qui trahit les Bretons ! Et chantons toujours, tout d’une voix, enfants de la Bretagne :

— « Jamais ! non jamais, la génisse ne s’alliera au loup ! » —

Ce chant a été composé depuis que nous sommes en route ; il a été composé en l’année mil cinq cent quatre-vingt-douze, par un jeune paysan, sur un air facile à chanter. Répétez-le, hommes de Cornouaille, pour réjouir le pays.

________