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INTRODUCTION.

reflue autour de l’enceinte ; mille concurrents se présentent. Des luttes, des assauts de vigueur ou d’adresse, des courses, des danses sans repos ni trêve, remplissent la soirée.

La veille et l’avant-veille ont appartenu aux mendiants et aux autres chanteurs accourus de tous les cantons de la Bretagne ; cette nuit appartient aux kloer. C’est le dernier soir du pardon qu’ils chantent, pour les jeunes filles, leurs chansons d’amour les plus nouvelles et les plus douces, réunis par groupes sous de grands chênes, à travers les rameaux desquels un rayon de la lune, qui glisse sur leur tête blonde, vient éclairer leur pâle et mélancolique visage.

Telles sont les racines profondes qu’a jetées la poésie dans les mœurs de ce peuple.


Au moyen âge, les Bretons Cambriens et les Bretons de l’Armorique, dans toutes leurs solennités, chantaient cet antique refrain : Non ! le roi Arthur n’est pas mort !

Le chef de guerre illustre, qui savait vaincre leurs ennemis, était encore pour eux, à cette époque, un symbole de nationalité politique.

Il y a un certain nombre d’années, au milieu d’une fête de famille que donnaient aux Bretons d’Armorique leurs frères du pays de Galles, en voyant flotter au-dessus de ma tête les vieux drapeaux de nos aïeux communs; en retrouvant des mœurs semblables à nos mœurs, des cœurs qui répondaient à nos cœurs; en prêtant l’oreille à des voix qui semblaient sortir des tombeaux, éveillées comme par miracle aux accents des harpes celtiques; en entendant parler une langue que je comprenais malgré plus de mille ans de séparation, je répétais, avec enthousiasme, le refrain traditionnel. Aujourd’hui, quand je détourne mes regards vers cette poétique terre de Bretagne qui reste la même alors que tout change autour d’elle, ne puis-je répéter avec les Bretons d’autrefois: Non ! le roi Arthur n’est pas mort !