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INTRODUCTION.

dont ils s’occupaient si curieusement dans les écoles, celle qu’ils avaient de la médecine et de l’agriculture, assurait leur autorité sur le peuple des campagnes, qui retenait en même temps et les conseils utiles et les leçons païennes.

Parmi ces bardes rebelles au joug de la foi nouvelle, il en est un particulièrement fameux ; c’est Kian, surnommé Gwenc’hlan, ou l’homme de race sainte, né en Armorique au commencement du cinquième siècle. Taliésin, qui, dans sa jeunesse, le connut, dit qu’il composa en l’honneur des guerriers de sa patrie de nombreux chants d’éloges[1], sans doute du genre de ceux des anciens bardes gaulois vantés par Lucain[2], et que Dieu voulut bien, à la prière des bardes ses amis, retarder le moment où il devait cesser de faire entendre ses beaux chants. La chronique de Nennius, écrite au neuvième siècle, le met, avec Taliésin lui-même, Aneurin et Lywarc’h-Henn, au nombre des bardes qui illustrèrent le plus la poésie bretonne[3]. Au quinzième, on fit faire sur un manuscrit beaucoup plus ancien une copie de ses poëmes, qui se conservait encore au dernier siècle dans l’abbaye de Landévénec, où dom Le Pelletier, qui en cite quelques vers dans son dictionnaire, les a consultés. Le père Grégoire de Rostrenen nous apprend qu’elles portaient le titre de Diouganoù (prophéties) : « Ce prophète, dit-il, ou plutôt cet astrologue très-fameux encore de nos jours parmi les Bretons, et dont j’ai vu les prophéties entre les mains du R. P. dom Louis Le Pelletier, était natif du comté de Goélo, en Bretagne-Armorique, et prédit, environ l’an 450, comme il le dit lui-même, ce qui est arrivé depuis dans les deux Bretagnes[4]. »

  1. Myvyrian, t. I, p. 55 et 56.
  2. Laudibus in longum, vates, dimittitis ævum,
    Plurima, securi, fudistis carmina, bardi.

    (Pharsal., lib. I.)
  3. Simul, uno tempore, in poemate britannico claruerunt. (Ex Nenni Mss. Johann. Cott., Spect. ad geneal. saxon, ap. Gale, xv, script., vol. III, p. 116.
  4. Dictionnaire français-breton, p. 468