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CHANTS POPULAIRES DE LA BRETAGNE.


Mon Dieu ! quelle belle écobue! pour un grain nous en aurons dix !

Les anciens disaient vrai : « Il n’est rien tel que des os de Gaulois ;

Que des os de Gaulois, broyés, pour faire pousser la moisson. »



NOTES


La haine du nom français éclate horriblement dans ce chant. L’exclamation de la duchesse à la vue des Français brûlés dans leurs tentes, est le cri de la bête fauve, longtemps traquée, qui se retourne contre le chasseur et le déchire avec joie. Froissart, le conteur des chevaliers, n’a rien d’aussi rudement accentué. Chose extraordinaire ! le poète rustique met dans la bouche de Jeanne de Flandre, princesse de race étrangère, des imprécations contre les étrangers qui lui disputent la Bretagne. Nous en verrons bientôt un autre maudire le parti des Anglais, auquel Jeanne appartenait. Qu’en conclure, sinon que l’ennemi, soit Français soit Anglais, était également odieux au peuple breton, et que, s’il se mêlait aux querelles de l’un ou de l’autre, c’était par besoin de représailles contre celui-ci ou contre celui-là, et non par sympathie pour aucun des deux ? Un sentiment de nationalité lui

parlait au cœur : ne pouvant échapper au premier sans tomber au pouvoir du second, placé comme il l’était entre la France et l’Angleterre, il comprenait instinctivement que la chute d’un des deux rivaux lui faciliterait les moyens de se défaire ensuite de l’autre, et qu’il devait travailler de toutes ses forces à accélérer cette chute.