Page:Barzaz Breiz, huitième édition.djvu/284

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

XXV
JEANNE-LA-FLAMME


— DIALECTE DE CORNOUAILLE —


ARGUMENT

Depuis la fin du douzième siècle, la Bretagne avait cessé d’être gouvernée par des chefs de nom et de race bretonne. Deux partis la divisaient ; l’un français, qui travaillait pour établir la suprématie de la France ; l’autre anglo-normand, qui combattait pour faire prévaloir les intérêts de l’Angleterre. En l’année 1341, la famille de Blois représentait le premier, et celle de Montfort le second. Les de Blois eurent d’abord l’avantage : Jean de Montfort, troisième du nom, reconnu par les États pour légitime duc de Bretagne, assiégé dans la ville de Nantes, fut pris par le frère du roi de France et conduit prisonnier à Paris. Mais la captivité du duc ne devait pas abattre pour longtemps le courage de son parti ; une femme, qu’on a justement surnommée la Clorinde du moyen âge, le releva. Prenant entre ses bras son fils encore enfant, et se présentant avec lui au milieu de ses barons consternés : « Montfort est pris, leur dit Jeanne de Flandre, mais rien n’est perdu, ce n’était qu’un homme ; voici mon fils, qui sera, s’il plaît à Dieu, son restorier, et vous fera du bien assez. » Puis elle s’enferma dans Hennebont, que Charles de Blois attaqua vainement ; elle fit lever le siège aux Français et rétablit les affaires de son mari.

L’incroyable audace dont cette femme extraordinaire donna des preuvesau siège d’Hennebont, en allant elle-même mettre le feu au camp ennemi, l’a fait surnommer par le peuple Jeanne-la-Flamme. C’est ce qu’atteste le récit suivant de cette héroïque expédition.


I


— Qu’est-ce qui gravit la montagne ? c’est un troupeau de moutons noirs, je crois.

— Ce n’est point un troupeau de moutons noirs ; une armée, je ne dis pas,