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homme dont Merlin célèbre l’union avec elle[1], et à qui il fait gagner la souveraineté du pays de Léon, n’est autre que le fils de la magicienne ; enfin que l’auteur de la Charte d’Alan Fergan et l’auteur du Mémoire du vicomte de Rohan connaissaient le poëme populaire : en ce cas, ce poëme serait le roman de l’histoire. L’époque où il a été composé nous semble assez difficile à déterminer. Tel qu’il est, il ne peut être contemporain de l’événement, et cependant il n’est certainement pas l’ouvrage des siècles de la grande chevalerie ; il en porterait le costume, tandis que le sien se rapporte à un âge beaucoup moins civilisé. C’est ce qui nous induit à penser qu’il a subi les altérations qu’il présente antérieurement à cette époque.

IV. Plus historique, la tradition de la conversion de Merlin remonte aux temps les plus reculés ; elle a été chantée par les bardes chrétiens des clans gaéliques, gallois et armoricains ; il est doux de croire, avec eux, que, dans son infortune et sa vieillesse, il trouva pour consolatrice la religion de sa mère ; une chose que notre poëte omet de dire, c’est qu’il périt assassiné comme Orphée. Mais le peuple ne fait pas mourir de tels hommes.

J’ai été mis sur la trace du poëme de Merlin par madame de Saint-Prix, qui a bien voulu m’en communiquer des fragments chantés au pays de Tréguier. Il serait à désirer que ceux qui existent dans la collection de M. de Penguern vissent aussi le jour, et vinssent, avec les précieuses découvertes de M. Gabriel Milin, compléter le cycle poétique de l’Enchanteur breton. Si, par sa forme rhythmique et son style, il est moins ancien que d’autres, il accuse par le fond des idées une inspiration très-primitive. Quoique l’air change à chaque morceau, et même le dialecte, je crois, vu l’uniformité du mètre, à l’unité de la composition originelle.

  1. « Les bardes célébreront dans leurs chants les mariages de la nation bretonne. »
    « Le chef des bardes aura une double part dans les dons royaux et dans les largesses faites à l’occasion du mariage de la fille du chef. » (Lois de Moemud et Lois de Hoel-da. (Myvyrian, t. III, p. 253 et 361.