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la vie de bohême.

Mimi.

Aujourd’hui plus qu’hier, et demain plus qu’aujourd’hui, et toujours comme ça jusqu’à la fin.

Rodolphe.

De la fin.

Mimi.

Du monde.

Rodolphe.

Ne t’engage pas trop ; qu’est-ce qui sait ?

Mimi.

Tu doutes de ce que je te dis ; qu’est-ce que je t’ai fait ?…

Elle tousse et va s’asseoir sur la causeuse de droite.
Rodolphe, à part.

Encore cette toux !… (Haut.) Écoute, ma fille, tu es bonne et dévouée ; mais comme je ne veux pas que tu me trompes plus tard, je ne veux pas te tromper aujourd’hui ; nous allons entrer en pleine misère, et demain c’est l’hiver.

Mimi, riant.

L’hiver, le carnaval, mardi gras… (Lui tapant les joues.) Nous ferons des crêpes et t’en auras.

Rodolphe.

Musette aussi était comme toi dans les commencemens ; elle riait au nez de la misère et se passait bien de dîner ; mais un jour est venu où elle n’a point su se passer de rubans.

Mimi.

Je ne suis pas Musette.

Rodolphe.

Pour toi, si frêle, si délicate, notre vie est pleine de dangers… Oh ! vois-tu, Mimi, je t’aime tant, que plutôt que de te voir malheureuse avec moi, j’aimerais mieux… oui, j’aimerais mieux te voir heureuse avec un autre.