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acte iii, scène viii.

Rodolphe.

Oui, tu as raison, c’est la source de tous les chagrins ; je crains bien que Marcel s’en aperçoive bientôt à l’égard de Musette… Car, encore une fois, elle regrette sa vie passée…

Mimi, avec contrainte.

Oh ! tu peux te tromper.

Rodolphe.

Après ça, nous serions égoïstes si nous exigions que vous nous restiez fidèles. Dans les premiers temps, on se dit : patience ; les jours meilleurs viendront peut-être ; mais ces jours-là sont si longs à venir que vous vous lassez de les attendre ; puis, un soir qu’on est seule, triste, maussade, assise au coin de l’âtre sans feu, l’amour s’endort, l’ambition s’éveille, et l’on entrevoit en imagination ces paradis de luxe et de plaisir où ceux qui sont riches peuvent faire entrer celles qui sont belles.

Mimi.

Pourquoi me dis-tu cela ?

Rodolphe.

Parce que c’est la vérité… L’amour est un sentiment frileux qui meurt dans une chambre où le thermomètre descend au-dessous de zéro. Ah ! la pauvreté, c’est la mort de tout.

Mimi, prenant la main de Rodolphe.

Pourquoi me dis-tu cela ?

Rodolphe.

Tu m’aimes bien, Mimi.

Mimi.

Peut-on le demander ?…

Rodolphe.

Oui, aujourd’hui tu m’aimes bien, je le crois.