Page:Barrière - Murger - La Vie de bohème, 1849.djvu/82

Cette page a été validée par deux contributeurs.
78
la vie de bohême.

Marcel.

Le plus embarrassant, c’est que nous n’avons pas le sou, et que l’exécution du programme de notre fête réclame quatre cents francs… (Il montre un papier.)

Schaunard.

Quatre cents francs, mais c’est une tranche du Pérou !… (Prenant le papier et passant près du guéridon.) Donne-moi ton programme… (Lisant.) Des glaces, pour cent francs de glaces, voilà qui est nouveau, des glaces. Je les supprime ; les personnes qui en voudront, pourront en apporter… (Il efface avec son crayon.) Ça fait déjà cent francs d’économie.

Marcel.

Reste à trois cents !

Schaunard.

Que vois-je ? des truffes partout, dans tout. Chevreuil, faisan, saumon, homard… Pourquoi pas la baleine tout de suite ? Ah ! ça, mais c’est une arche de Noë que ton souper, on y trouve tous les animaux… (Il a écrit, tout en disant ces mots.) C’est arrangé, je remplace les truffes, le homard, le faisan, etc., par une charcuterie variée, ton souper coûtera dix francs. Divertissemens, éclairage et rafraîchissemens, dix francs. Total, vingt francs, ça se trouve vingt francs, on a bien trouvé l’Amérique.

Marcel.

C’est ça… En chasse !

Tous.

En chasse !… (Rodolphe remonte.)

Musette, se lève.

Je sors avec vous.

Marcel.

Où vas-tu ?

Musette.

On m’a parlé de velours à huit francs le mètre… Il faut voir ça… (Elle met son châle et son chapeau.)