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la vie de bohême

Rodolphe.

C’est ça… et tâchez qu’ils ne repoussent pas trop vite… Parce que, voyez-vous ? c’est grave, Musette ! Nous autres, tout nous quitte avec la femme aimée, notre jeunesse, notre courage, notre talent ! pour quelque temps du moins… J’en sais quelque chose.

Musette, accoudée à la cheminée.

Marie, n’est-ce pas ?

Rodolphe.

Oui, Marie !

Musette.

Elle vous a bien aimé.

Rodolphe, se mettant à cheval sur une chaise.

Oui, pendant un mois… Dans ce temps-là le Pactole passait dans ma chambre… Mais le Pactole a changé de lit…

Musette.

Et Marie ?

Rodolphe, avec un geste significatif.

Elle a suivi le courant… Ah ! dans le premier moment, je n’étais pas drôle, vrai ! le chagrin m’avait mordu, j’étais devenu enragé.

Musette.

Pauvre garçon !

Rodolphe.

Et après, j’ai eu des idées bizarres, fantastiques… Il me fallait absolument un être à aimer. J’avais adopté un homard vivant ; je l’avais fait peindre en rouge, c’était plus gai… Mais cette affection ne me suffisait pas… (Se levant.) J’en ai fait une mayonnaise ! Puis il me vint une autre idée… Je m’en fus aux Enfans trouvés.

Musette.

Bah ?

Rodolphe.

En regardant les enfans, je vis une belle jeune fille