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la vie de bohême

c’est comme ça. — Ah ! toi, au moins, tu pouvais aimer ta Mimi à plein cœur… elle ne t’a jamais trompé, et si tu n’étais pas riche, son amour te faisait crédit.

Rodolphe.

Musette aussi t’aimait bien… Mais pourquoi n’as-tu pas essayé de la retenir autrefois ? Elle ne t’aurait peut-être pas quitté.

Marcel.

Je ne pouvais pas me battre en duel avec tous les cachemires qui lui faisaient la cour…

Il se rassied près de la cheminée.
Rodolphe.

C’est juste, tandis que moi j’ai perdu Mimi par ma faute. — Je l’ai soupçonnée, quand elle était fidèle ; et elle est partie depuis dix jours. — Pendant les cinq premiers, je l’ai cherchée partout, je ne l’ai pas trouvée et je n’ai rien appris.

Marcel.

Elle aura passé en Angleterre… (Se levant et allant ranger la table contre le mur de gauche.) Ah ! tiens, tôt ou tard, elle aussi t’aurait planté là pour un clerc de notaire frisé qui l’aurait séduite avec des madrigaux frappés à la monnaie.

Rodolphe, qui rêvait.

C’est égal… nous leur devons de beaux souvenirs.

Marcel.

Oui, mais tous ces souvenirs-là, ce n’est bon qu’à faire des regrets. Basth ! Parlons d’autre chose, et tâchons de nous réchauffer… car il fait un froid !… Qu’est-ce qu’on pourrait donc bien brûler pour se dégourdir les doigts un moment ? Ah ! à propos de souvenirs, j’ai là quelques autographes de Musette… (Il va à une espèce de buffet qui est dans le coin, à gauche, et