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la vie de bohême.

lequel il disait ne plus m’aimer me prouve le contraire !

Mme de Rouvre, froidement.

Non-seulement il ne vous aime plus… mais il en aime une autre !

Mimi, riant convulsivement.

Vous, peut-être ! Ha ! ha ! ha ! vous me faites rire, tenez !… Je ne suis qu’une petite fille, un enfant perdu en venant au monde, j’ignore le beau langage et les belles manières, et cependant Rodolphe m’a adorée ! oui, madame, adorée ! ce n’est pas trop dire… Aussi n’est-ce pas en quatre jours qu’il pourra m’oublier et en aimer une autre… À celle qui se croirait aimée de lui, je dirais : Il vous trompe et se trompe lui-même… ne l’écoutez pas ; car vous ne tarderez pas à vous apercevoir que vous n’êtes pour lui qu’une distraction… et cela vous ferait de la peine.

Mme de Rouvre.

Continuez, mademoiselle… vous m’amusez beaucoup.

Mimi.

Non, madame, je ne vous amuse pas… au contraire… Si Rodolphe ne vous aime pas… que voulez-vous que j’y fasse ?… Il sera peut-être votre mari… il était mon amant !… C’était un poète… il deviendra un homme d’affaires… Au reste, cela arrive, et nous autres grisettes, comme vous dites vous autres grandes dames, nous avons souvent le dessus du panier de vos amours.

Mme de Rouvre, se levant.

C’est tout ce que vous avez à me dire, mademoiselle ?

Mimi, un peu intimidée.

Pardon, madame, si je vous ai parlé ainsi… mais tout ce que je vous ai dit, j’en suis sûre, voyez-vous.

Mme de Rouvre.

Je vous ai écoutée jusqu’au bout… Vous êtes venue