Page:Barrière - Murger - La Vie de bohème, 1849.djvu/10

Cette page a été validée par deux contributeurs.
6
la vie de bohême

mais M. Rodolphe en juge autrement. Il ne veut pas, dit-il, de ce tyran domestique qui lui compte son existence minute par minute, dont les aiguilles s’allongent jusqu’à son lit et viennent le piquer le matin, de cet instrument de torture enfin dans le voisinage duquel la nonchalance et la rêverie sont impossibles.

Durandin.

Qu’est-ce que c’est que toutes ces divagations-là ?… (Il passe à droite.) Oh !… ça ne peut durer plus longtemps ; M. mon neveu me rendrait fou comme lui… heureusement Mme de Rouvre arrive aujourd’hui ; elle est veuve, riche, elle est femme…

Baptiste.

C’est son plus beau titre.

Durandin, passant à gauche.

Je ne te parle pas… elle est femme, et ce que femme veut… il faudra bien que M. Rodolphe redescende sur la terre pour signer au contrat. Il doit être dans le jardin à rêvasser à ses niaiseries ; va me le chercher.

Baptiste.

J’y cours, monsieur…

Il s’éloigne par le fond à gauche, et au moment de sortir, il ouvre son Voltaire et continue sa lecture.

Scène III.

DURANDIN, seul.

M. mon neveu est bien le fils de mon frère. C’est le même désordre d’esprit. La vocation ! l’art ! le génie… et le père est mort en laissant des dettes que le fils s’apprête à doubler. Les arts ! les arts ! voilà-t-il pas une belle histoire et un joli métier ?… Mais je suis là… et bientôt j’aurai notre charmante auxiliaire flanquée de ses quarante mille livres de rente, et j’espère bien…