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LE SYMBOLISME

flanelle que de mettre du noir sur du blanc ». Peut-être en définitive les symbolistes auront-ils au cours des années futures la fortune d’étendre encore la plasticité de la langue, mais en attendant ces succès, déjà très problématiques à cause des expériences trop nombreuses essuyées par la langue, les symbolistes ne feraient pas mal d’avoir un peu plus de talent.

17. Quoique assez lourd aux épaules des symbolistes, cet article ne laissait pas de réserver l’avenir et commandait à l’égard des jeunes poètes une attention respectueuse. Il était en quelque sorte une reconnaissance officielle de leurs efforts ; il consacrait la formule de leur art. En dépit d’œuvres trop faibles, le symbolisme était une esthétique qui valait d’être exploitée.

La réforme tentée par la nouvelle école n’était donc ni tout à fait ridicule, ni tout à fait inutile. Si les symbolistes n’avaient pas mérité partout l’attention flatteuse de la critique, ils n’étaient pas indignes de ses encouragements. Sans doute on attendait le chef-d’œuvre, mais il ne convenait pas d’anihiler par avance l’effort du génie qui pourrait naître. Spontanément, M. Jean Psichari, un savant doublé d’un poète, apporta aux novateurs l’appui de sa parole. Dans un article de la Revue bleue [1], il critiquait les fautes commises, mais dressait un bilan consciencieux des avantages apportés par la jeune école à la poésie française. Avec une déférence égale, Anatole France faisait dans le Temps son mea culpa. Il donnait de son antipathie primitive des motifs d’ordre psychologique « qu’il tirait du fond même de l’âme humaine et sans lesquels on n’aurait jamais contesté aux jeunes poètes le droit d’approprier la forme des vers à la nature des idées qu’ils y voulaient couler. De tous temps, en tous lieux, les rythmes poétiques ont change avec les heures

  1. 6 juin 1891.