Page:Barrès - La Colline inspirée, 1913.djvu/346

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

siècles la troupe immense de ceux qui veulent être vengés.

Parfois, au soir de ses longues journées exaltées, l’étrange commis voyageur de la maison Galet à Dijon voyait les tertres funéraires les plus abandonnés, ceux que ne décore aucun marbre, mais seulement un gazon inculte, voler en poussière, et ce nuage emporté par la tempête découvrait à l’infini une plaine de fontaines jaillissantes, sorte de réponse à son ardente nostalgie et de promesse solennelle d’un prochain apaisement.

Qu’importe à Léopold qu’à cette date les Oblats se multiplient sur la montagne et qu’ils entreprennent d’y rebâtir le couvent ! Ils n’occupent de cette terre religieuse que la largeur de leurs semelles, et sous leurs pieds comme sur leurs têtes, c’est une immense protestation. Les imprudents étrangers ! ils viennent offenser le fils de la colline, qu’entourent les plus puissantes amitiés souterraines et célestes ! Le vieillard, au cœur de qui se multiplient les gages de victoire, ne tourne même pas vers eux son regard. Que leurs architectes et leurs maçons s’empressent à profaner les murs des Enfants du Carmel, l’injustice ne prévaudra pas. Les murs et le sol même le clament ; la montagne de Sion