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UN RAT EMPOISONNÉ

du prisonnier les apportait de Sainte-Pélagie à la Libre Parole. Elles faisaient frémir Floquet à la présidence, Rouvier au ministère des Finances, Burdeau à la Marine, Freycinet à la Guerre, tout le Parlement ; en même temps, elles allumaient la curiosité, et peu à peu la férocité des lecteurs de la Libre Parole multipliés par centaines de mille. Cependant Reinach touche le prix de sa trahison : du silence. Ils le laissent souffler dans son fourré, les terribles chasseurs qui, un couteau à la ceinture, sonnent de ce cor bruyant dont la France retentit.

Misérable gibier, ce gros homme ! S’il a fui Paris, c’est sans doute pour se ménager un alibi contre les soupçons de ses complices parlementaires qu’il vend à Drumont. Mais il fallait aussi qu’avant de mourir le président des Chemins de fer du Sud revît les célèbres régions du rastaquouérisme, Nice, Monte-Carlo, où il avait exercé la royauté de l’argent et de l’influence et si fort joui du bonheur : bonheur de la qualité la plus basse que lui et sa bande sont aptes à sentir.

Nul homme ayant de l’imagination, après avoir visité dans un site magnifique, à Nice, la dépouille de Gambetta, sur quoi pourrissent délaissées un amas de couronnes avec les plus misérables légendes qu’inventèrent jamais de pauvres Homais, ne manquera de discerner, en redescendant vers les casinos et vers les vulgarités bruyantes