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ROULEMENTS DU TONNERRE

paniquards laissaient Bouteiller impassible. Sa confiance demeurait absolue dans sa sécurité propre et dans la sécurité du régime, l’une et l’autre confondues à ses yeux. Il méprisait les agitations populaires comme il avait fait dans les pires journées boulangistes.

Il connaissait l’audience de l’Elysée où M. Charles de Lesseps, au nom de la République et de l’intérêt national, vint exposer au Président le système qu’il avait bâti pour se présenter en victime des parlementaires. M. Carnot écouta deux heures durant, sans qu’ils mêlassent un instant leurs regards, sans l’interrompre, sans lui répondre, et le laissa partir sans lui serrer la main. — Magnifique entrevue d’où la solidarité parlementaire sortit intacte !

Ce Lesseps est aussi allé chez M. de Freycinet ; il lui a confié le cas d’un ministre qui se serait vendu à la Compagnie de Panama. « S’il y a un procès, concluait-il, toutes ces choses se sauront. » — « C’est donc qu’on en trouvera la trace dans les papiers saisis ou à saisir ? » répondit le ministre. — « Non, il n’y en a pas d’écriture. » — « Alors, cela n’a pas d’importance. » Et ce mot de l’homme d’État paraît la sagesse même à Bouteiller qui s’assure qu’avec toute leur impudence les amateurs de scandale finiront bel et bien, comme Numa Gilly, en posture de calomniateurs.