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LE SABBAT NORTON

Millevoye acquiesça. Bien plus, il revint sur ses pas, parut prendre du champ pour mieux aller jusqu’à ce bout qu’on lui marquait si insolemment. Il commença de relire les lettres qu’il avait déjà fait connaître, il en lut d’autres, il lut toutes les autres. On eût dit d’un somnambule. Sa complaisance, qui décevait ses amis secrets et comblait ses adversaires, suscita un carnaval de lazzis et d’injures. Les yeux hagards, la voix fébrile, il tirait des papiers de son dossier, puis de sa serviette, puis de ses poches, et sans interruption jetait de la houille dans cette injurieuse fournaise. Spectacle navrant de voir cet honnête homme décervelé et comme ensorcelé sous la frénétique incantation des coquins. Leurs risées pourtant une minute le révoltent :

— Ces lettres, s’écrie-t-il, on les a lues hier deux fois dans le cabinet du ministre des affaires étrangères.

M. Develle se lève, quitte son banc et dit à demi voix :

— Ce n’est pas bien, ce que vous faites là. Puis, tout haut, ces mots qu’on trouve à l’Officiel :

— Vous n’avez pas donné lecture de ces pièces dans le cabinet du ministre des affaires étrangères.

La Chambre crut prendre Millevoye en flagrant délit d’imposture :