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LEURS FIGURES

« Depuis quatorze années, Sturel, que nous apprenons en commun la vie, toutes nos expériences t’affirment l’utilité de l’œuvre profonde où je te convie. Reconnais qu’en t’y consacrant tu répliqueras aux Bouteiller plus victorieusement que si tu t’abîmes à les suivre.

« Pour me presser de t’accompagner derrière le cercueil de Boulanger, il y a deux ans, tu mis au bas de ta lettre une belle formule très juste : « Ton ami, disais-tu, d’une amitié qu’ont faite nos pères. J’ai cédé à ton désir, car ce vaincu, après tout, en appelait aux énergies de notre vieux pays, mais notre amitié et nos pères ne demandent pas que je m’enrôle dans une conspiration indéterminée. Accepte mon refus et pèse mes raisons. Hypnotisé par une juste haine, crains, François, que ta figure ne prenne l’expression de figures dont tes yeux ne paraissent pas pouvoir se détacher. Et n’exige pas que notre amitié, qui fut sur la Moselle le principe de notre redressement, fasse dévier aujourd’hui ton ami.

« Henri de Saint-Phlin. »

Hélas ! Sturel n’avait plus la liberté d’esprit nécessaire pour apprécier cette lettre. Quelques minutes, il ressentit une mélancolie analogue au remords en imaginant une certaine vie qu’il pourrait vivre. Plaisir amer ! Mais il ne retint que le refus d’argent et ce projet de s’adresser à Bou-