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LETTRE DE SAINT-PHLIN

Sturel, comme je les déshabillerais et que je te ferais saisir en chacun d’eux la particularité lorraine !

« Quelques personnes redouteront cet esprit régional dont je voudrais pénétrer tout l’enseignement. Elles craindront qu’un système si réaliste ne nuise à la culture classique, et l’on plaidera contre une « nourriture » lorraine au nom des bonnes humanités. Hélas ! ce sont nos lycées qui n’ont plus rien d’humain au sens des « humaniores litterae » et si l’on entend par « humanités » les études qui font l’homme. Ah ! plutôt que des Bouteiller qui nous imposaient éloquemment leurs affirmations, que n’eûmes-nous un promeneur qui, parcourant avec nous le sentier de nos tombeaux, nous éveillât en profondeur ! Ses leçons de choses locales, suivant une espèce d’ordre naturel et historique, fussent allées ébranler jusque dans notre subconscient tout ce que la suite des générations accumula pour nous adoucir, pour nous doter de gravité humaine, pour nous créer une âme. Nos vignes, nos forêts, nos rivières, nos champs chargés de tombes qui nous inclinent à la vénération, quel beau cadre d’une année de philosophie, si la philosophie, c’est, comme je le veux, de s’enfoncer pour les saisir jusqu’à nos vérités propres !

« Je craindrais d’alourdir cette lettre, Sturel, mais j’ai tracé pour mon premier fils, Ferri de Saint-Phlin, plusieurs plans d’études littéraires,