Page:Barrès – Leurs Figures.djvu/262

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
258
LEURS FIGURES

envers M. de Reinach. Je proteste énergiquement. Le chantage suppose des menaces sous conditions pour extorquer des sommes auxquelles on n’a aucun droit. Mon cas est tout autre : j’étais créancier de M. de Reinach, je lui demandai un règlement de comptes ; il m’opposa d’abord une résistance de mauvaise foi, puis il essaya de me supprimer par le poison ; je l’ai menacé de poursuivre mon paiement par toutes les voies de droit et de le livrer à la justice de son pays ; il a fini par reconnaître sa dette.

Sur tous ces points, Cornelius, comme on dit en style de théâtre, déblayait. Il ne se plaisait pas dans la défense, c’était plutôt son affaire de se couvrir en attaquant ; et puis, il ne sentait pas l’immoralité de ses actes. L’indignation qu’il soulevait dans l’honnêteté française lui semblait de l’enfantillage. Enfin, c’était un vaniteux de sa force. Il demeurait l’homme qui, quelques mois plus tôt, à Paris, au hasard d’une conversation, disait : « Tel ministre, tel personnage important, n’ont rien à me refuser. Vous en doutez ? Eh bien ! voulez-vous que je téléphone ? Ils accourront ici comme des chiens. » Et il téléphonait, les faisait venir, les montrait, pour rien, par ostentation.

Maintenant il arrivait à ses réserves. Il cessa de plaider. Il ouvrit et feuilleta ses meilleurs dossiers. Quelle impression de force donnait alors ce