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VAINES DÉMARCHES DE STUREL

— Le jour où un député, du haut de la tribune française, m’a traité d’espion, personne dans cette Chambre, où j’ai rendu tant de services, ne s’est levé pour protester ! Personne, pas même celui que je considérais comme mon fils, celui qui avait grandi à côté de moi et par moi, qui m’avait vu à l’œuvre depuis quinze ans, qui avait été associé à ma fortune et à mes actes, qui avait été nourri avec mes pensées et mes projets, et qui m’avait donné en échange toute son éloquence et tout son cerveau.

Dans cette puissante apostrophe du malade soulevé sur son lit, le jeune homme distingua des passions qui lui rappelèrent Vautrin et Lucien de Rubempré. Il admira la sûreté de cette rancune qui d’un coup cassait les reins de Clemenceau. Parmi ses insipides boniments de marchand de lorgnettes, quelle maîtrise dévoilait soudain ce Cornelius ! Sturel allait être récompensé de sa patience. Inconscience, ou nécessité de son apologie, ou perfidie contre ces complices qui le lâchaient, le grand juif cosmopolite commença de se découvrir, et l’on put entrevoir à quelle sorte de jeu il avait fatigué la fortune et la France.

— Certes, je n’ai été l’agent de personne, disait-il, mais si c’est être un agent de servir fidèlement un pays dans les relations internationales, je revendique l’honneur d’être au service de cette France que j’aime, et dont les politiciens sont si