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L’APPEL AU SOLDAT

que nous vêtons en rouge, pour l’utiliser dans un certain service, pauvre cervelle qui ne comprend ni les conditions ni les limites de sa force ! C’est nous qui commandons que les trompettes jouent et que les tambours battent, quand il passe, général, devant le front des troupes ! C’est nous qui avons élaboré et popularisé les idées républicaines dont il essaie de s’assurer le bénéfice ! Comment pourrait-il retourner contre nous ces forces qu’il ne comprend même pas ? Que voit-il, par exemple, dans cette Exposition de 1889 qui contribuera à refondre la nation, qui déplacera le plus humble paysan, lui donnera le dégoût de son trou natal, attirera l’univers à Paris et nous enrichira de quelques étrangers des plus éveillés ? J’ai la philosophie de la France Nouvelle : je tiens, en outre, ma combinaison pour élever le niveau matériel, c’est-à-dire moral, de ce peuple qui, sauf quelques inadaptés, met dans nos méthodes politiques toute sa confiance.

Et repensant à la gare de Lyon :

— C’est une crise d’atavisme ! — conclut-il, tout en baillant à large bouche devant ses rédacteurs qu’il traitait comme des animaux machines.

Cependant, à Charenton, la locomotive qui emportait le Général avait stoppé, pour qu’on se reconnût et que, les habits déchirés, le visage et le linge noirs, les mains brûlées, l’officier d’ordonnance, lieutenant Driant, abandonnât sa dangereuse place d’éperon au fanal de front. Autour de Boulanger, sur la plateforme du mécanicien et du chauffeur, se serraient le député Laguerre, Francis Chevassu et un secrétaire du député Michelin ; le tender portait une trentaine