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AUTOUR DE LA GARE DE LYON

sept heures, Suret-Lefort arriva, que, dans le premier moment, Saint-Phlin ne savait plus tutoyer. Mais le jeune avocat, dans sa redingote serrée, avec sa jolie taille, sa voix élégante, fui aussi courtois et s’exprima mieux que son compatriote, qu’il complimenta sur sa propriété et sur les sympathies dont l’entourait le pays de Varennes. Il s’exerçait continuellement à soigner ses attitudes et à dissimuler ses préoccupations ; dans cette minute il pensait : si Boulanger rentre au Ministère, le parti radical prendra une immense importance et je serai député.

— Eh bien ! criait Renaudin à ses amis par-dessus la tête des consommateurs, qu’il bousculait pour arriver, vous la voyez, notre petite manifestation… Papa Grévy comprendra que les Parisiens tiennent à leur Boulange !

Des groupes considérables ne cessaient de traverser la place vers L’Hôtel du Louvre. Il y avait là, en très grand nombre, le petit télégraphiste bleu qui méprise la dépêche au fond de sa sacoche, avec son frère, le petit mitron blanc, qui méprise le vol-au-vent, là-haut, sur sa tête,

— Sans reproche, continuait Renaudin, faut-il que vous soyez provinciaux de choisir un jour ou la vraie fête sera gare de Lyon !… Je vous ai traités en vieux amis, je vous préfère au Général. Est-il encore à son hôtel ? En vingt minutes nous pouvons être fixés. Le train de Clermontpart à huit heures sept. Si, à huit heures moins le quart, sa voiture n’a pas défilé, nous n’aurons qu’à dîner.

Renaudin parlait haut. On l’écoutait. Le garçon, debout, ses bouteilles d’apéritif entre les doigts, se déclara ligueur, ami de Paul Déroulède :