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LA FIÈVRE EST EN FRANCE

excitables, si oratoires, si généreux, si sensibles à l’honneur, qui nécessite tous les caractères de notre civilisation et dont pourtant nul étranger ne peut sentir la réalité.

Le 4 février 1886, à la tribune, sur l’envoi des troupes à Decazeville, où les mineurs étaient en grève, le ministre de la Guerre a déclaré : « Les soldats partageront leur pain avec les ouvriers grévistes. »

La Chambre, dans ce premier moment, marqua, dit l’Officiel, des mouvements divers ». Le député Bouteiller leva sa face pâle des paperasses qu’il annotait…

Cet ancien professeur du lycée de Nancy, qui jadis aurait dû élever les petits provinciaux à la conscience française et, en même temps, les considérer comme des faits lorrains et tenir compte de leurs particularités, le voilà député de Nancy. Le voilà une voix de la France et de la Lorraine dans une assemblée qui devrait être la conscience nationale agissante et parlante. Au Palais-Bourbon, demeurera-t-il, comme dans sa chaire pédagogique, le délégué d’un parti ?

Il regarde en plissant le front ce ministre insolite, qui avec sa moustache blonde, sa gentillesse, son air quelconque d’officier de quarante ans, vient de « phraser » pour les patriotes, pour la populace, et qui montre des dispositions peu républicaines à la popularité.

« Les soldats partageront leur pain avec les grévistes ! » Aux destinées prodigieuses de ce mot sur tous les chemins de la France, il apparut que ce jour-là le général Boulanger avait parlé en français. Non seulement il s’exprimait avec la générosité, la