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L’APPEL AU SOLDAT

pardessus flottant et déformé, qui tutoie les individus et dit aux foules « mes enfants », qui trouve tout facile et fraternel autour de lui, tout mystérieux et criminel chez ses adversaires, c’était vers 1860 un orphelin que George Sand et Dumas fils décidèrent d’élever pour doter notre société d’un type d’honnête homme moderne à leur guise. De cette collaboration, il sortit ingénieur breveté à Châlons. S’il se croit un petit-fils idéaliste de Rousseau, nous le tenons — en groupant autour de la notion d’américanisme des idées aussi vagues que l’Émile semble en évoquer à ses yeux — pour un cousin du Yankee le plus positif. Il passe, et peut-être il se prend, pour un chimérique ; c’est que sa vue constamment réaliste de la vie crée un perpétuel écart entre ses jugements et ceux de notre bourgeoisie. Au milieu des fureurs parlementaires et parfois, c’est le plus cruel, des sourires boulangistes, il ne suit que son sens propre, sa conscience, comme il dit. Il accomplit tout le temps « son devoir ». Son devoir, aujourd’hui, c’est de rester fidèle à Boulanger, son chef, et à Drumont, son ami ; il s’entête à les concilier et ne s’inquiète pas si tout le monde hausse les épaules de son acharnement.

Drumont a pu dire quelques vérités, mais pourquoi un homme politique se préoccuperait-il de cette personnalité sans mandat ? Et puis notre vice-président Naquet peut-il supporter une marche parallèle avec l’antisémitisme ? Enfin oubliez-vous que nous poursuivons la réconciliation de tous les Français ? Laur, vous nous faites perdre un temps précieux.

Répondra-t-il que le boulangisme a trop accepté l’influence de Naquet, et qu’il doit être antisémite précisément comme parti de réconciliation nationale.