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BOULANGER DEVANT SON DÉSASTRE

nière, peut lui assurer l’immense armée des imaginatifs. Vaincu dans l’empire du fait, il réservait tout, par cette brusquerie, dans le domaine sentimental. À continuer la lutte sur un terrain qu’il touche de ses deux épaules, qu’est Boulanger ? Pas même un prétendant exilé. Au contraire, s’il s’efface, des scandales nouveaux dégoûteront la nation, et l’on entrevoit des circonstances où les parlementaires eux-mêmes pourraient chercher un homme à qui résilier de plein gré leurs pouvoirs.

Tous pensèrent tomber à la renverse ; et, jugeant sur leurs visages décomposés que seul le vice-président du Comité national connaissait le plan, ils le soupçonnèrent de vouloir désarmer le boulangisme pour faire sa paix personnelle.

L’ignorance où le chef les avait toujours laissés de ses moyens financiers les débarrassait de réflexions compliquées ; ils se bornèrent à exprimer avec violence leur désir, leur besoin que le parti se maintînt. Le beau raisonnement de dire qu’à la longue et de lui-même le parlementarisme s’effritera ! En attendant. que deviendront-ils ?

Le sage Naquet, s’il croit vraiment utile de céder à l’indication des événements, pourrait leur rappeler qu’une effroyable impopularité succède souventefois aux ovations enthousiastes ; qu’un parti, la première ardeur passée, s’aigrit contre son chef vaincu, et que le dévouement d’une minorité ne sert de rien. Ce sont des vérités, mais peu fécondes à semer chez des partisans, et l’altération de leurs figures, où se trahissent leurs âmes, montre assez que la défaite ne les a pas déliés du Général.

Ils le pressent d’arguments :