Page:Barrès – L’Appel au Soldat.djvu/368

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
362
L’APPEL AU SOLDAT

lumière qui cuit le marbre, répondent mieux à nos idées de bachelier sur la civilisation latine. Là-bas, la route dure, sonore sous le pied, mérite le beau nom de voie romaine. Ici, c’est du sable de Moselle, où la longue suite des conquérants effacent leurs pas les uns les autres. La phrase commencée dans Trêves par des Romains, brisée par trente-six peuples, finit sur des sonorités gutturales de Berlin. En Provence, elle s’est déroulée sans hiatus jusqu’à ce que Mistral y ajoutât son mot.

Ils se rappelaient le Musée Réattu. On peut en plaisanter, car il s’intitule musée des souvenirs arlésiens et l’on n’y trouve rien de proprement local que dans la loge du concierge, une panetière ; et puis, comme témoignage du génie municipal, il propose officiellement au visiteur des peintures dans la formule de David et de Prud’hon. Mais cette naïveté même fait juger avec quelle force les enfants de ce pays tendent aux formes classiques. Dans l’instant où la Provence s’ignore et veut être « à l’instar de Paris », elle suit encore les modes de Rome. Son grand Mistral est tout classique.

Au bout de vingt-quatre heures, Sturel et Saint-Phlin s’attachèrent avec force au vrai caractère du pays de Trêves, qui est d’être bâti sur des couches superposées de civilisation. Ils se plaisaient surtout au Musée provincial, où l’on voit les coutumes et les travaux des habitants à l’époque romaine représentés sur les tombeaux avec un réalisme sain. Si l’on réfléchit sur la magnificence des monuments publics, sur le grand nombre des domaines où toutes les cultures prospéraient, sur le bon goût et la douceur des mœurs, sur l’aisance des particuliers, sur la facilité