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L’APPEL AU SOLDAT

différence cruelle qui touche l’âme des deux jeunes gens d’une sorte de trait romantique.

Onze kilomètres avant Trêves, ils atteignirent un point que depuis longtemps Saint-Phlin annonçait et recommandait à son compagnon : le fameux tombeau romain d’Igel.

C’est une pyramide mortuaire du siècle des Antonins en quartiers de grès brut où sont sculptés d’intéressants épisodes de la vie familière. Ce noble monument s’adosse à une colline de 25 mètres environ qui supporte une petite église et des tombes catholiques ; Le pauvre village d’Igel l’entoure.

Assis sous les noyers tout près de l’obélisque, puis là-haut, sur le mur bas qui clôt le cimetière, les deux jeunes gens jouirent de l’agréable paysage où la Moselle reçoit la Sarre. Saint-Phlin, en tirant de sa poche quelques feuillets décousus d’un livre, dit que Gœthe avait visité cette ruine :

— Il y a surtout apprécié le désir et le goût de transmettre à la postérité l’image sensible de la personne avec tout son entourage et les témoignages de son activité. Vois, sur cet obélisque, des parents et des enfants réunis dans un banquet de famille, puis, afin que le spectateur apprenne d’où vient cette aisance, des chevaux chargés arrivent, et l’industrie, le commerce, sont représentés de diverses manières, car, ce monument le témoigne, alors comme aujourd’hui, on pouvait amasser assez de biens dans cette vallée.

Et voici qu’auprès du monument d’Igel, Sturel et Saint-Phlin accomplissent un pèlerinage gœthien. Si peu archéologues, comment s’intéresseraient-ils à la méthode d’assemblage de ces rudes blocs ? Et puis ces