Page:Barrès – L’Appel au Soldat.djvu/313

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
307
LA VALLÉE DE LA MOSELLE

se perdre plus avant dans la collectivité française. Notamment, tous les juifs de France dans les petites villes de Lorraine ont planté leurs tentes l’espace d’une génération, le temps d’enterrer un parent au cimetière spécial de Lunéville…

Sturel et Saint-Phlin, que Bar et Neuchàteau ont familiarisés avec ces trois éléments de toute petite ville lorraine, le fonctionnaire, l’indigène et l’immigré, se font une vue claire de Toul, mais, n’y trouvant aucune réalité nouvelle, et rappelés, comme on dit dans leur pays, par les fortes nourritures de la veille, ils voudraient retourner immédiatement dans la campagne, où le silencieux, l’anonyme paysan demeure sur les champs et la vigne sans qu’aucun étranger se mêle à son sang, modifie ses puissances. Seulement Saint-Phlin n’entend pas que l’enthousiasme nuise à la méthode. Après midi, sur une table de café, il déplie ses cartes et consulte ses notes.

Pour que la vallée mosellane leur soit une chose intelligible, ils doivent se mettre chaque fois dans l’esprit de leur étape du jour, et, tout en observant le plus grand nombre de détails possible, ne retenir que ceux qui s’accordent avec son caractère dominant. Après avoir joui de la Moselle vosgienne considérée comme industrielle et moderne, et de la vallée d’Épinal à Toul en tant que vieille Lorraine agricole, ils arrivent à une région dont Saint-Phlin déclare :

— Prêtons-nous à ce qu’elle nous émeuve par son pittoresque, quoique les cheminées et les détritus d’industries commencent à le gâter.

À cinq heures, quand ils s’éloignèrent du beau Mont Saint-Michel abîmé par un de ces forts qui