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LA VALLÉE DE LA MOSELLE

bel enthousiasme et des grands mots de son petit-fils, quand il parlait de la richesse historique et de la variété psychologique de la vallée mosellane. Mais elle donna quelques détails sur des petites villes, et, sur le fond des choses, on voyait bien qu’eux deux pensaient d’accord. Sturel se taisait, plus averti que le premier soir d’être un étranger, et un peu suffoqué de l’autorité que se donnait son ami. Comment ! depuis son arrivée, on ne lui avait pas demandé un détail sur le Comité national, sur le Général ! Est-ce raisonnable de dédaigner ainsi ce qui intéresse les cercles de Paris ? Doit-il admettre que dans cette ferme perdue se trouve précisément le juste point pour embrasser les événements ?

Après le repas, étant à fumer dans la chambre de son ami, il vérifia le plan et les moyens du voyage, et les reconnut très bien étudiés. Voilà les cartes avec les étapes pointées ! Voilà les sacs de toilette à suspendre aux bicyclettes ! Leurs malles, les précédant par chemin de fer, feront, chaque deux jours, leur seul assujettissement. Dans les intervalles, ils choisiront pour leur nuit la petite ville où les tentera certaine qualité de mélancolie ; ils la quitteront au point du jour, quand le premier soleil évapore les brumes et peu après devient la grande chaleur ; leur sieste les attardera tantôt dans la petite auberge mosellane sous une treille au nord, tantôt sur l’herbe de la rive, pleine d’une gentille vie à l’ombre des arbres. Et Saint-Phlin, saisissant sur le premier rayon de sa bibliothèque lorraine[1] la Moselle d’Ausone, lisait :

  1. Ce serait le lieu de mentionner quelques-uns des ouvrages que Saint-Phlin connaît et auxquels il se réfère constamment. Bien qu’il ne soit pas proprement in érudit, il doit une forte